La fatigue d’être hors de soi

Chers collègues,

Les mois de septembre et d’octobre ont été riches en événements, polémiques et rebondissements.

Le mois de septembre a été marqué par la parution du livre du Pr Even, ancien doyen de la faculté Necker et ancien directeur, devenu conseiller, de l’Institut Necker, sur les liens d’intérêts entre industrie pharmaceutique et universitaires (voir par exemple ici le compte rendu du Figaro). Les critiques violentes de notre collègue Ph. Even lui sont revenues en plein visage (voir ici pour ses liens d’intérêts non déclarés et pour l’affaire de la ciclosporine). Et pourtant, le sujet des conflits et des liens d’intérêts mérite une réflexion approfondie. “Tout homme a un prix pour lequel il se vend”, écrivait Kant. Il est contraire aux exigences de la liberté académique de voir certains aliéner leur plume et leur salive à des intérêts commerciaux, quitter la blouse blanche pour les pancartes plus ou moins visibles de l’homme sandwich. Inversement, la recherche scientifique et les progrès de la médecine – il y en a eu beaucoup – ne peuvent s’accomplir sans une coopération entre les milieux académiques et l’industrie.

Pour le reste, feuilletons l’éphéméride.

1er septembre

Nous sommes très contents car Hospimedia nous apprend que Claude Evin n’est pas resté longtemps sans emploi et va exercer ses talents dans un cabinet d’avocats d’affaires (Les affaires sont les affaires) :” Remplacé mi-août par Christophe Devys à la tête de l’ARS d’Île-de-France (lire ci-contre), Claude Évin rejoint le cabinet d’avocats d’affaires DLA Piper au sein de son département “sciences de la vie et santé”. Il y officiera en tant que “counsel”, souligne le cabinet par communiqué, intervenant plus particulièrement auprès des professionnels et établissements de santé et médico-sociaux : appui stratégique, organisation sanitaire, coopérations, droit des établissements, droit des professions médicales, droit de la responsabilité. Le département est lui-même dirigé depuis quelques mois par Michèle Anahory et offre aux différents acteurs du système de santé “une expertise pluridisciplinaire en conseil et en contentieux”. Par ailleurs, Claude Évin travaillera “en étroite collaboration” avec les associés spécialisés en droit public et en droit des contrats, ainsi que sur le secteur assurance-réassurance auprès des institutions de protection complémentaire santé. Il contribuera enfin au renforcement de l’activité du cabinet en Afrique, en particulier en Afrique francophone, ajoute le cabinet : le bureau de Paris y connaît en effet un développement très important en matière de conseil aux gouvernements dans la mise en œuvre des politiques de santé et d’assurance sociale.”

Interviewé par le Monde, Joseph Stiglitz n’est pas tendre avec les dirigeants de l’union européenne.

3 septembre

Le marché des complémentaires santé est en pleine tourmente en raison de l’obligation pour les employeurs de proposer une assurance complémentaire à leurs salariés à compter du 1er janvier 2016, avec en perspective une augmentation prochaine des primes et le développement des sur-complémentaires, nous explique la Tribune.

Il est possible d’apprendre l’anatomie tout en douceurs (voir ici).

7 septembre

La société One Medical est à l’heure de la santé 3.0, nous dit le Monde.

Dans le New York Times, un article sur l’étude ultra fine des coûts hospitaliers et la meilleure utilisation des moyens qui en découle.

8 septembre

Nous avons appris au cours de la séance de la CME de l’APHP que le nouveau site de l’institution, truffé d’erreurs et peu pratique pour les patients à la recherche de notre offre de soins, avait été conçu par une société extérieure et avait coûté “moins de 100 000 €”. Pour moins de 100 000 €, t’as plus rien.

Hospimedia fait état d’un rapport des médecins du travail du CHU de Brest, présenté en ces termes : “Aux prises avec de lourdes difficultés budgétaires avec l’an dernier un déficit proche des 8,7 millions d’euros et de facto depuis un plan de retour à l’équilibre financier, le CHRU de Brest fait également face à un climat social “de plus en plus tendu”. Dans leur rapport d’activité 2014, les médecins du travail de l’établissement nord-finistérien confirment dans “un consensus de service” que leurs principales craintes, d’ores et déjà exprimées en 2013, restent de mise : “incapacité à effectuer un travail de qualité pour les patients”, “perte de sens du travail” et “souffrance éthique”. Mais à celles-ci s’est surajoutée en 2014 “de manière prégnante l’incertitude du futur proche”. (…) Or, rappellent comme une évidence les auteurs, un plan de retour à l’équilibre “se fait avec des répercussions en termes de santé au travail pour les agents”. En clair, “il existe là un conflit de logiques entre l’application du plan de retour à l’équilibre et l’affichage parallèle de la qualité de vie au travail qui relève de l’injonction paradoxale. Le monde du travail est fait de conflits entre entités contradictoires. Il s’agit de pouvoir faire dialoguer ces entités sans que l’une n’écrase toutes les autres”, concluent les médecins.”

Qui a dit que l’homéopathie n’était pas dangereuse ?

9 septembre

Ezechiel J. Emanuel s’interroge dans le New York Times sur la façon d’éviter que les prix des médicaments aux Etats-Unis n’atteignent des hauteurs “stratosphériques”. Sa solution est simple : définir un plafond sur des critères objectifs (“While the Australian system of price controls is one approach, another possibility is the Swiss health system, which is frequently applauded by conservative commentators. The Swiss government includes only those drugs that are effective and cost-effective on its approved drug list. It then establishes a maximum allowable price for the drug, but up to that point, companies can decide what to charge. We could cap the price based on objective, quantitative measures of value. Private payers would continue to negotiate with drug companies over prices as they do now, but there would be a ceiling to prevent prices from becoming unsustainable.”)

10 septembre

Une note de synthèse de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies est consacrée au coût social des drogues. Extrait du résumé : “Le « coût social » de l’alcool et celui du tabac sont presque identiques, 120 milliards d’euros, suivi par les drogues illicites (8,7 milliards d’euros). Le coût social engendré par le tabac peut être rapproché des 13,4 millions de fumeurs et le coût social de l’alcool des 3,8 millions « d’usagers à risques d’alcool ». Les drogues illicites engendrent un faible « coût social » total, en comparaison de l’alcool et du tabac, parce qu’elles sont moins consommées.”

12 septembre

Dans l’émission “Répliques” de France Culture, Philipe Lançon, journaliste gravement blessé dans l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier dernier, parle de son séjour à l’hôpital. Il déclare (à partir à la mn 12) : “J’ai pu apprécier la colère, la mauvaise humeur, de la plupart des infirmières, des aides-soignantes, des policiers que je croisais. (…) Ce qui m’a beaucoup frappé, c’était une certaine exaspération, cette mauvaise humeur, contre leur hiérarchie. Ils ont de plus en plus et dans tous les domaines que j’ai pu voir un sentiment qu’un contrat social n’est plus respecté. (…) Ces gens sont en général des gens qui veulent faire bien leur travail. C’est des travaux très particuliers qui leur tiennent à cœur et ils ont le sentiment qu’ils ne peuvent plus le faire dans les conditions qu’ils avaient choisi pour le faire. (…) Ils ont l’impression d’être de plus en plus soumis à des ordres comptables et hiérarchiques qui ne prennent pas en compte la nature et la spécificité du travail qu’ils font.”

14 septembre

L’émission Cash Investigation est consacrée à la santé, avec plus de sensationnalisme que de professionnalisme. On retiendra cependant le passage où une officine privée a accès aux dossiers médicaux pour “optimiser le codage” : édifiant.

Le Monde nous apprend que l’APHP aurait mis fin aux abus touchant les appartements de fonction (on se prend à rêver), et plus généralement va réserver son parc immobilier à ses agents (il était temps).

15 septembre

La e-santé explose en Chine selon les Echos (voir ici).

La DREES communique son rapport sur les dépenses de santé en France pour l’année 2014.

La Cour des comptes publie son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Concernant l’hôpital, la Cour des comptes déplore la faiblesse de la réorganisation de l’offre de soins et de son pilotage par le ministère de la santé. Elle tient le discours que l’on peut donner des soins de meilleure qualité en dépensant moins. On attend la démonstration de cette affirmation passe-partout chère à nos éminents hauts fonctionnaires qui ont solution à tout.

16 septembre

Claude Evin n’est plus directeur général de l’ARS d’Ile-de-France, mais c’est toujours le même prêchi-prêcha.

17 septembre

En utilisant un bloqueur de publicités sur votre ordinateur, votre tablette ou votre téléphone mobile, vous participez, peut-être sans le savoir, à la guerre qu’Apple livre à Google et Facebook, dont l’enjeu est considérable pour l’avenir du net (voir ici).

20 septembre

Le New York Times dénonce le laboratoire Turing Pharmaceuticals qui a multiplié par 50 le prix d’un antiparasitaire commercialisé depuis longtemps. Ce n’est pas un exemple isolé.

21 septembre

Le Conseil d’Etat rejette le référé de Roche demandant la suspension de la RTU économique de l’Avastin (voir ici).

Dans son blog, un confrère voulant garder l’anonymat attire notre attention sur le livre Know Your Chances pour comprendre les statistiques en santé et la réduction des risques.

22 septembre

Malgré l’Obamacare et la crise, les franchises des assurances santé augmentent à un rythme soutenu aux Etats-Unis, selon le Wall Street Journal.

Libération s’interroge sur la démission du président de la Haute Autorité de santé.

23 septembre

L’OMS rend public sont rapport sur la santé en Europe.

24 septembre

La ministre de la santé dévoile les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale (voir ici). On retient surtout un objectif des dépenses d’assurance maladie en progression de 1,75 % (185,2 Md€), soit un taux historiquement bas qui annonce des lendemains difficiles, notamment pour les hôpitaux, dont les dépenses incompressibles augmentent à un taux supérieur (2,48 % selon la FHF). Déficits et suppressions d’emplois à l’horizon. Le haut conseil des finances publiques juge d’ailleurs ce taux irréaliste (voir ici) : “S’agissant des dépenses sociales, le respect d’un taux de croissance de l’ONDAM ramené à 1,75 % apparaît incertain. Il suppose en effet la mobilisation d’outils de régulation renforcés, ainsi que des évolutions structurelles concernant notamment la dépense hospitalière et la maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville. Par ailleurs, s’il est justifié de partager l’effort entre toutes les administrations publiques, le fait que certaines économies soient portées par des entités que l’Etat n’a qu’en partie les moyens d’encadrer (notamment les collectivités locales et les régimes conventionnels d’assurance chômage et de retraites complémentaires) accentue l’incertitude quant à leur réalisation.”

27 septembre

Futura-Sciences annonce le premier traitement surveillé à distance, comprimé par comprimé.

28 septembre

Les députés votent un amendement permettant aux praticiens hospitaliers de bénéficier de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont aux prises avec la justice. Quand un établissement attaque au pénal un praticien de son établissement, le premier voit ses frais d’avocat pris en charge, mais le praticien en est de sa poche. Il était temps de rétablir l’équilibre. A cet égard, le Dr Tanquerel, qui se bat pour le respect du secret médical, assigné en justice par son directeur, toujours placardisé alors qu’il a gagné son procès, a dû assumer seul les frais d’avocat (pour le soutenir, aller ici).

1er octobre

Beau papier sur les biais opportunistes dans la recherche.

2 octobre

L’APM nous apprend que, suite à la protestation de leur CME, les Hospices civils de Lyon seront soumis à une moindre rigueur budgétaire : “Consciente de la situation, l’ARS discute donc d’un avenant au Cref (contrat de retour à l’équilibre financier) qui “étalera” l’objectif de parvenir à un taux de marge brut à 8% afin de permettre d’assurer entre 3% et 3,5% d’investissements courants. Véronique Wallon (directrice de l’ARS Rhône-Alpe) a précisé que ce taux avait été de 5,4% en 2014 et devrait être de 6% en 2015. L’hypothèse est de repousser les objectifs financiers de “deux-trois ans”, a-t-elle indiqué.”

4 octobre

The Guardian décrit la colère des jeunes médecins anglais, soutenus par un ancien ministre conservateur de la santé. Ils s’opposent à une modification récente des contrats de travail proposés par le NHS (diminution de salaire, augmentation du nombre d’heures de travail, pouvant aller jusqu’à 90 heures par semaine; voir ici). Extraits : “Hunt set aside an in-principle agreement with the British Medical Association (BMA) and replaced it with plans that endanger patients’ safety by risking exhaustion among all trainee medics in England by forcing them to work up to 90 hours a week, claims Poulter, who is still a Tory MP. (…)He accuses Hunt of changing tack because the NHS is desperate to identify ways of saving money to help tackle a£30bn hole in its budget that is expected to emerge by 2020. And he warns that cutting junior doctors’ pay – many face losing between 15% and 40% of their earnings under the new contract – will undermine David Cameron’s ambition to create a seven-day NHS because there will be too few doctors to staff it as a result of disillusionment.”

6 octobre

Le président de la MGEN ne doute de rien : “La Mutualité doit être le centre de gravité de la protection sociale en France”, déclare-t-il (voir ici). Il s’aligne peut-être sur le patron de Malakoff Médéric, qui poursuit la même ambition (voir ici). Au même moment, la sécurité sociale fête ses 70 ans. Certains la voient couler, d’autres voudraient lui insuffler une nouvelle jeunesse.

7 octobre

L’accès aux données brutes des études scientifiques devient un enjeu majeur, notamment en santé. Dans Nature, Raphael Silberzahn et Eric L. Uhlmann attirent l’attention sur le fait que pour les mêmes données de départ les résultats obtenus peuvent être en toute bonne (ou mauvaise) foi différents selon les équipes, leurs méthodes, leurs préjugés et leurs attentes. Extrait : ” In analyses run by a single team, researchers take on multiple roles: as inventors who create ideas and hypotheses; as optimistic analysts who scrutinize the data in search of confirmation; and as devil’s advocates who try different approaches to reveal flaws in the findings. The very team that invested time and effort in confirmation should subsequently try to make their hard-sought discovery disappear. We propose an alternative set-up, in which the part of the devil’s advocate is played by other research teams.” 

8 octobre

L’effet pervers des scores et résultats médicaux est dénoncé par le New England Journal of Medicine, qui prend l’exemple de la chirurgie cardiaque. Extrait : “In New York, one of a handful of states where outcomes of cardiac surgery and percutaneous coronary intervention (PCI) have been publicly reported for some years, such situations are not uncommon. Although the aim of report cards was to motivate proceduralists to improve quality, they seem instead to have motivated avoidance of the sickest patients.”

9 octobre

Sur son blog, Jean-Yves Nau commente les débats tenus devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans l’affaire Vincent Lambert. Pour justifier l’attitude du médecin ayant décidé de ne pas interrompre la prise en charge, l’avocat du CHU de Reims déclare : “Une décision médicale n’est pas une décision administrative”. Il ajoute : “Un directeur d’hôpital ne peut pas donner d’ordres à un médecin.” Encore heureux !

12 octobre

Quel est l’impact des campagnes Choosing Wisely, initiées par l’Association américaine de médecine interne et qui tendent à s’étendre à de nombreux pays ? Une étude du Jama Internal Medicine semble montrer qu’il est limité, pour l’instant et sur les thèmes retenus par l’étude.

14 octobre

Dans The Atlantic, Adrienne Lafrance parle du cimetière des pages web. Le net n’est pas l’immortalité. Quelques jours plus tard, Julian Assange conseille de revenir au papier et à la poste pour échapper à la surveillance généralisée des méls (voir ici).

15 octobre

La polémique sur la résistance aux antibiotiques est-elle justifiée (voir ici) ?

16 octobre

La journée du praticien, organisée par un syndicat de praticiens hospitaliers, a accueilli l’élève directeur qui aide le sénateur Le Menn dans sa mission sur l’attractivité des carrières médicales à l’hôpital public. Il se confirme à travers les propos de ce jeune homme que le rapport Le Menn est quasiment vide de propositions (voir ici sur Youtube). On appréciera aussi l’extraordinaire maîtrise de la novlangue dont fait preuve le représentant de la DGOS. Il faut attendre environ une heure vingt pour que le débat devienne intéressant avec l’intervention d’un président de CME sur la T2A suivie des remarques du Dr Véran.

Le secrétaire d’Etat à la santé du Royaume-Uni a menti sur l’excès de mortalité le weekend dans le NHS, comme le révèle le Mirror. Il fait face à la fronde des jeunes médecins, car cette surmortalité avait justifié la mise en place de nouveaux contrats, prévoyant jusqu’à 90 heures de travail par semaine et une présence 7 jours sur 7. De nombreuses manifestations ont déjà eu lieu (voir par exemple ici), une grève est envisagée pour décembre (voir ici) et beaucoup de jeunes médecins menacent de partir à l’étranger ou de s’installer dans le privé (voir ici). Le 9 octobre, la BBC avait révélé le piètre état financier dans lequel se trouve le NHS et ses mauvaises performances (voir ici).

21 octobre

Le New England Journal of Medicine s’inquiète de la fraude touchant le processus de revue par les pairs. Publish or perish !

22 octobre

L’Assemblée nationale a voté la “protection maladie universelle” pour faciliter les démarches administratives des assurés sociaux (voir ici). Il en est attendu 20 M€ d’économies en 2016 et 100 M€ à moyen terme.

23 octobre

The Economist pense que le NHS est à la croisée des chemins, avec trois scénarios possibles : la persistance de la situation actuelle, dont les résultats sont insuffisants, une augmentation des contributions pour un meilleur financement, ou la privatisation, à l’image de ce qui se passe ailleurs en Europe. Conclusion de l’éditorialiste : ” I am as fond as anyone of the NHS. As a child I had a life-saving operation on it. Two of my closest relatives work for it. When living in New York I was disgusted by the cost (to my insurers, luckily for me) of my treatment for a fractured ankle. But like most Britons, I want the health service to work as well as possible for those who need it. And there are big questions about whether the model under which the NHS currently operates—and, perhaps more importantly, the political and cultural climate in which it operates—makes that outcome more likely than the alternatives. Britain should never give up the principle of universal health care. But it should recognise that it is not the same as the tax-funded NHS.” Pour le médecin généraliste anglais Youssef El-Gingihy, la privatisation du NHS est déjà en marche (voir ici).

25 octobre

Dans la dernière livraison de son blog, notre collègue Jean-Pascal Devailly dénonce “la grande gidouille managériale” à l’œuvre dans les hôpitaux, avec en exergue cette citation d’Einstein : “La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous avons réuni théorie et pratique : Rien ne fonctionne… et personne ne sait pourquoi !”, suivie de la remarque que “l’une des causes majeures de la crise du système de santé, outre l’impécuniosité des politiques publiques, c’est la déconnexion stupéfiante entre les nouveaux concepteurs du « système de santé » et les pratiques professionnelles. Cette déconnexion délétère est aujourd’hui reconnue et analysée par toutes les écoles sociologiques des organisations”.

26 octobre

Paraît dans la Los Angeles Review of Books le compte rendu du livre de A.W. Gaffney, Beyond Obamacare : Life, Death, and Social Policy, une réflexion sur les inégalités de santé et les déterminants sociaux de la santé aux Etats-Unis.

Selon une dépêche Hospimedia, “Les grandes lignes du futur contrat de retour à l’équilibre financier (Cref) de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont été présentées aux instances la semaine dernière. Si ce dernier n’est pas encore finalisé — il doit être présenté devant le Comité de performance et de modernisation de l’offre de soins hospitaliers (Copermo) d’ici la fin de l’année 2015 (lire ci-contre) —, le projet de contrat prévoirait néanmoins, ont indiqué des sources concordantes à Hospimedia, que le montant des économies avoisine les 51 millions d’euros (M€) sur 2016-2020. Soit plus d’une trentaine de millions d’euros de moins que les économies prévues dans le Cref présenté aux instances en mars 2015 par l’ancien directeur général (DG), Jean-Jacques Romatet. Pour rappel, à la suite de la présentation de ce Cref, le DG avait dû faire face à l’opposition de la communauté médicale et des syndicats et donner sa démission.” La réaction de la communauté médicale marseillaise n’est pas restée sans effet. Il en va de même pour les Hospices civils de Lyon (voir ci-dessus à la date du 2 octobre), mais pas pour l’APHP. Pourtant, les communautés médicales des trois plus grands CHU français avaient protesté contre les restrictions qui leur sont imposées et les empêchent d’assumer leurs missions (voir ici).

27 octobre

Le sociologue Dominique Cardon se tient à égale distance des adulateurs et des contempteurs du net dans sa conférence de clôture du forum “L’année vu par le numérique”, organisé par France Culture et Sciences Po (voir ici).

30 octobre

Sur le site Rédaction médicale et scientifique, une présentation admirative du livre de Michèle Bergadaà sur le plagiat académique, une plaie aussi grave que l’évaluation quantitative des chercheurs et des candidats aux postes d’enseignants par les facteurs d’impacts ou le score sigaps.

L’Agence de presse médicale indique que le déficit net des établissements publics de santé s’est élevé à 208 millions d’euros à la fin de l’exercice 2014, contre 93 millions en 2013, selon des données provisoires de la direction générale des finances publiques (DGFIP) figurant dans le rapport au Parlement 2015 sur le financement des établissements de santé. Comment pouvait-il en être autrement quand les frais fixes augmentent plus vite que les moyens accordés aux hôpitaux par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ? La conséquence ? De nouvelles suppressions d’emplois et une inexorable dégradation du tissu hospitalier et du service public.

31 octobre

Et si la belle histoire d’Elizabeth Holmes et de la société Theranos était une imposture (voir ici l’article de The Economist ; extrait : “the Wall Street Journal ran a report that Theranos has overstated its technology’s reach and reliability. Theranos has attracted great acclaim because it claims to be able to perform a wide variety of tests by drawing a few drops of blood instead of using a full-sized needle to take larger samples; and because of its promises to make it cheaper and easier for consumers to get blood tests without having to go through a doctor. However, the Journal’s article argued that its tests are not reliable, and revealed that it does only a few tests with its own devices, using other firms’ technology for most of them.”). Cette jeune milliardaire propose de faire un grand nombre de dosages biologiques à partir de quelques gouttes de sang prélevées au bout du doigt. Les résultats obtenus par Theranos vont être soumis à vérification.

Un certain Bernard Gosset réagit à l’accord sur les 35 heures signé le 27 octobre entre la direction générale de l’APHP et la CFDT (voir ici sa tribune sur le site Mediapart). Il faudrait connaître les sacrifices demandés aux directeurs et autres cadres administratifs en cette période où les moyens sont “contraints” et voir si ces sacrifices, à supposer qu’il y en ait, sont à la mesure de ceux imposés au personnel soignant.

Amitiés et bon courage.

3 réflexions sur « La fatigue d’être hors de soi »

  1. Le Pr Ph. Even nous prie de communiquer les informations qui suivent.

    “L’INSTITUT NECKER

    L’Institut Necker (IN) est une Association 1901 sans but lucratif.

    Elle gère les crédits de recherche recueillis sur projet par les équipes de recherche universitaires, Inserm ou CNRS, auprès de Fondations de recherche privées (Fondation de France, FRM, Fondation Mucoviscidose, ARC, Fondation Bill Gates) pour 75% auprès de firmes pharmaceutiques (20%) ou de dispositifs médicaux (5%).
    L’IN n’abrite aucun crédit de financement personnel d’aucun chercheur.

    Les crédits obtenus par les équipes de recherche sont déposés par elles sur les comptes ouverts par elles à l’IN, qui se borne à les gérer au quotidien, à la demande des chercheurs, pour assurer leurs commandes de matériel ou le salaire des CDD de leurs jeunes chercheurs post-doctorants en attente de recrutement définitif par l’Université ou l’Inserm.

    Cette année, l’IN a ainsi recueilli de 100 équipes de chercheurs financées par les Fondations ou firmes, 3,3 millions € (dont 800.000 de l’industrie pharmaceutique).

    Ces fonds ont permis, entre autres, de rémunérer 50 chercheurs en CDD de 6 mois à 3 ans, recruté par les équipes de Necker, Cochin, HEGP et d’autres facultés parisiennes ou même provinciales.

    Pour assurer ses missions et rémunérer ses 5 personnels et son expert-comptable, l’IN prélève, avec l’accord des chercheurs, 6% des fonds déposés, comme le font la plupart des dizaines d’associations similaires, soit cette année, 200.000 €, dont 50.000 des firmes et 150.000 des Fondations.

    Le salaire net du Président responsable a été de 887 €/mois, soit 10.600 €/an, dont 25% dérivés de fonds de l’industrie, soit 2.600 €, soit 220 €/mois, soit 7 €/jour, reçus des chercheurs et non pas directement de l’industrie.
    Il semble dès lors difficile, sauf malveillance, de voir dans ce financement indirect et minuscule, qui correspond à un travail et une responsabilité réels, un lien de dépendance avec l’industrie, qui aurait eu le masochisme de me rémunérer pour que je fasse son procès permanent depuis 2002.
    Il est clair que la « révélation » de ces liens par l’APM, dont chacun connait la dépendance totale à l’égard de l’industrie, liens qui sont évoqués p.449 de mon livre, correspondait à une opération visant à tenter de décrédibiliser le livre « Corruptions et Crédulité en Médecine », qui, entre autres, rapporte les financements personnels de consultant de dizaines d’universitaires cités nominalement, dont 15% liés chacun à 10 ou 20 firmes, par 20 à 40 contrats financiers personnels de « consultant » ou « orateur » par an, et qui perçoivent ainsi de l’industrie depuis des années des sommes de 50.000 à 300.000 € par an, et parfois plus encore, en toute illégalité, puisque sans autorisation ni même information de leur tutelle universitaire.
    En outre, beaucoup d’entre eux sont également experts statutaires ou extérieurs de nos agences gouvernementales de médicament et expertisent les médicaments des firmes qui les emploient.
    L’action de certains de ces consultants est particulièrement nocive quand ils justifient et promeuvent oralement, par écrit et à travers les « recommandations » de leurs sociétés, des molécules inefficaces, inutiles , dangereuses ou au coût exorbitant.

    Il est évident que certaines des collaborations entre universitaires et industrie sont indispensables au progrès de la thérapeutique, mais cela devrait relever de la mission normale de recherche des universitaires et ne devrait être l’objet d’aucune rémunération privée et ne devrait pouvoir se faire qu’avec l’accord explicite écrit et enregistré des Universités, qui ne sont même pas informées de ces collaborations en encore moins des sommes versées par l’industrie, ce qui est loin d’être le cas aux Etats-Unis, où ces contrats sont désormais limités par exemple à 10.000 dollars par an au NIH et donnent lieu dans les universités privées à des reversements des chercheurs à leur université.

    Il est de même regrettable que les crédits publics versés aux équipes de recherche publique ne leur permettent pas de fonctionner et en particulier de recruter et de rémunérer les jeunes post-doctorants en attente de titularisation pendant des années, et dont la qualité, l’engagement, les connaissances des techniques les plus modernes leur sont indispensables.
    Elles ont dès lors besoin de signer des contrats de recherche avec l’industrie, qui évidemment subventionne les projets qui s’inscrivent dans ses propres objectifs de développement, une situation dommageable pour la recherche publique, qui perd ainsi une part de la liberté de choix de ses propres sujets de recherche, mais à ‘inverse une situation très profitable pour les firmes qui utilisent ainsi, à leur service, les équipes de recherche universitaires ou de l’Inserm, une situation très marquée en France où les crédits publics sont particulièrement limités, mais assez semblable dans tous les pays, y compris aux Etats-Unis. de facto, les Etats financent la plus grande part de la recherche des firmes.

    Dans ce contexte, l’action d’associations sans but lucratif, tel que l’IN, est évidemment nécessaire, d’autant qu’elles sont elles-mêmes rigoureusement indépendantes des firmes et seulement le réceptacle des crédits obtenus sur projet par les équipes de chercheurs auprès des Fondations et firmes privées.

    J’ai cependant décidé de démissionner de mon poste de Président-Fondateur (1990) exécutif de l’IN et de membre de son Conseil d’administration, pour éviter que l’image très négative que j’ai acquise auprès de l’industrie pharmaceutique ne gêne les chercheurs dans les demandes de soutien sur projet qu’ils lui présentent. Je reste néanmoins conseiller technique de l’équipe de l’IN.”

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