Abécédaire de fêtes

Chers collègues,

Voici ce que l’on peut récolter au pied du sapin.

A comme accès aux données de santé

Le trésor de données détenues par la CNAM devrait être enfin plus facilement accessible, notamment aux chercheurs (voir ici). Un premier décret vient de paraître, le second est en attente.

B comme Brexit

Pendant la campagne électorale, les partisans du Brexit avaient promis qu’une sortie de l’Union européenne permettrait de mieux financer le NHS, promesse trahie dès le lendemain du vote. Elle revient sur le devant de la scène avec le député conservateur Michael Gove The Guardian.

C comme code génétique

Le Monde expose les théories de Jean-Jacques Kupiec selon lesquelles les gènes codent mais ne programment pas, avec un début de validation expérimentale d’un modèle darwinien de sélection des produits des gènes.

Sur le site la Vie des idées, analyse l’ouvrage du philosophe américain M. J. Sandel sur l’homme “amélioré” intitulé Contre la perfection : l’éthique à l’âge du génie génétique.

D comme directeurs et directrices d’hôpital…

Clara de Bort a créé le blog “directeurs et directrices d’hôpital” afin que cette profession soit mieux connue. Elle recherche des témoignages. Voici le mien : c’est une invitation au dépassement des corporatismes et au dialogue constructif.

et comme datacratie

Alexandre Léchenet nous met en garde dans Libération contre notre fascination pour les données, les chiffres, les algorithmes et les indicateurs.

E comme Etat scientifique

Simon Ings revient sur la vie scientifique sous Staline. Son livre, dominé par la figure emblématique de Lyssenko, est analysé par The Guardian : “This is a fascinating story of brilliant scientists and charlatans, of visionaries and careerists, of civic courage and moral cowardice.”

F comme Famous People

Le Financial Times a envoyé un de ses journalistes rencontrer Angus Deaton, lauréat 2016 du prix de la banque de Suède en sciences économique en l’honneur d’Alfred Nobel. Un entretien décapant et décontracté. Extrait : “Deaton’s 2013 book The Great Escape argued that the world we live in today is healthier and wealthier than it would otherwise have been, thanks to centuries of economic integration. He sees efforts to blame globalisation for woes in the US Rust Belt or Britain’s beleaguered industrial areas as a mistake. “Globalisation for me seems to be not first-order harm and I find it very hard not to think about the billion people who have been dragged out of poverty as a result,” he says. “I don’t think that globalisation is anywhere near the threat that robots are.””

G comme Gilead

The Wall Street Journal annonce que Gilead Sciences, société américaine spécialisée dans le traitement de l’hépatite C, a été condamnée à payer à Merck des dommages et intérêts de 2,5 Mds de dollars pour avoir enfreint la loi sur les brevets.

De son côté, Pfizer a été condamné à une amende de 107 Ms de dollars pour avoir augmenté le prix d’un de ses produits de plus de 2600 % (voir ici).

H comme heures de travail…

The Atlantic rappelle que la durée de travail des jeunes médecins américains, taillables et corvéables à merci, dépasse souvent les quatre-vingts par semaines.  Ils ne doivent pas travailler plus de vingt-huit heures sans repos, ce qui est dangereux pour les malades. Extrait : “Even though residents are licensed M.D.’s often working 80-hour weeks—often on the least desirable tasks at the least desirable hours—resident physicians make $50,000 to $65,000. On a per-hour basis, that breaks down to less than most ancillary staff at the hospital. Immediately upon completing the residency program, though, the same doctors command a salary of four, six, or eight times as much.”

I comme intégrité scientifique

A la suite de la remise du rapport Corvol, le secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche va créer l’Office de l’intégrité scientifique et prendre trois autres mesures pour lutter contre le plagiat, le vol de données, les conflits d’intérêts (voir ici).

J comme Journal officiel de la République française

Le décret modifiant le sunshine act à la française est paru ce 28 décembre. Une des principale modification consiste dans l’obligation de publier sur la base de données publique Transparence-Santé le montant des conventions entre les professionnels de santé et les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l’homme.

K comme Kidney Fund

The New York TImes rapporte une polémique sur les pratiques d’un des plus importantes association d’aide aux insuffisants rénaux, dont les interventions semblent conditionnées par les dons qu’elle reçoit des établissements de soins : “Under an agreement with the federal government, the Kidney Fund must distribute the aid based on a patient’s financial need. But the charity has resisted giving aid to patients at clinics that do not donate money to the fund, an investigation by The New York Times has found. The actions have limited crucial help for needy patients at these clinics. The agreement governing the relationship between the group and the companies forbids choosing patients based on their clinic.”

L comme loi Jardé

Beaucoup considèrent que la loi relative aux recherche sur la personne, dite loi Jardé, entrée en vigueur en novembre 2016 est néfaste au progrès médical car elle introduit de nouvelles contraintes bureaucratiques inutiles qui vont décourager les chercheurs ou ralentir leurs travaux, en particulier pour les études non interventionnelles (voir ici une exécution en règle de cette loi). Un sale coup porté à la recherche.

M comme management…

A l’heure où les médecins des hôpitaux de Paris vont l’étrenner, les grandes entreprises commencent à abandonner l’entretien annuel : perte de temps, inadaptation aux conditions actuelles de travail, corvée stressante (voir ici et ). Il n’est pas certain que l’évaluation permanente soit un progrès, contrairement à l’entretien as needed.

et comme MemoryWell

Le Washington Post publie un article sur une ancienne journaliste qui se charge d’écrire la biographie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer placés en institution, ceci afin d’améliorer la qualité du contact avec les soignants et de rendre les soins et la vie du patient de meilleure qualité. Elle avait eu l’idée de le faire à propos de son père et en voyant les excellents bénéfices, elle a décidé d’étendre cette pratique en créant MemoryWell.

N comme Noël

Le numéro de Noël du BMJ vaut le détour, si l’on en croit le toujours remarquable blog d’Hervé Maisonneuve.

O comme opiacés

Le nombre de morts par surdoses d’opiacés a quasiment triplé entre 1999 et 2014 aux Etats-Unis. En cause, la surprescription d’antalgiques morphiniques, devenu un fléau de santé publique (voir ici).

P comme police scientifique

Et si la police scientifique l’était moins qu’elle ne le prétend (voir ici).

Q comme les quatre cavaliers de l’Apocalypse

David Oliver décrit la crise existentielle du NHS dans le BMJ en référence au texte biblique. The Telegraph signale que jamais le NHS n’a autant annulé d’opérations urgentes. Et le service d’ambulances ne se porte pas très bien non plus (voir ici).

R comme rétractation

The Scientist livre le top 10 des rétractations d’articles scientifiques en 2016. Comme le commente Hervé Maisonneuve sur son blog, “pas de limite pour les truands”. Lire aussi le texte de ce dernier paru dans Science et pseudo-sciences d’octobre.

S comme sécurité sociale…

La pétition en faveur de la sécurité sociale lancée le 12 décembre dernier remporte un franc succès et dépasse les 200 000 signataires. Le débat sur l’organisation et le financement de la santé enfin au premier plan de l’actualité et de la campagne électorale des présidentielles.

et comme sucre

Après les acides gras insaturés, le sucre devient l’ennemi public numéro un, sur fond d’études biaisées et d’affrontements entre nutritionnistes. The Atlantic nous raconte une histoire moins manichéenne, où plane le doute.

T comme Trump

Le nouveau président des Etats-Unis veut abolir l’Obamacare, mais menace aussi Medicare et Medicaid, qui coûtent cher aux finances publiques (voir ici). La situation sanitaire américaine risque de rapidement se dégrader si ces projets sont mis en oeuvre. La santé financière des ménages aussi puisque les familles en difficulté pour payer les soins sont désormais beaucoup moins nombreuses (- 22 % en 5 ans), surtout grâce à l’Obamacare, si l’on en croit cet article du site NPR.

U comme Ubu

Et toujours l’excellent blog hyperdocumenté de Jean-Pascal Devailly et son kit d’ubulogie clinique.

V comme le site Vice

Sur le site Vice le témoignage de Louise de Breteuil sur son séjour en hôpital psychiatrique.

W comme Max Weber…

Un modèle sophistiqué de stratification de la société en classes et groupes a été proposé par Max Weber. Ses travaux dans ce domaine sont moins connus que ceux de Karl Marx, notamment en France : voir ici l’analyse détaillée de Pierre Merle.

X comme hôpital X

L’étude ne cite pas le nom des hôpitaux concernés, mais elle montre que tous les soins et tous les établissements ne se valent pas, comme le rapporte le New York Times : Not all hospitals are created equal, and the differences in quality can be a matter of life or death.

In the first comprehensive study comparing how well individual hospitals treated a variety of medical conditions, researchers found that patients at the worst American hospitals were three times more likely to die and 13 times more likely to have medical complications than if they visited one of the best hospitals.

The study, published Wednesday in the academic journal PLOS One, shows “there is considerable variation in outcomes that really matter to patients, from hospital to hospital, as well as region to region,” said Dr. Thomas H. Lee, a longtime health care executive who was not involved in the research.

The study’s authors looked at 22 million hospital admissions, including information from both the federal Medicare program and private insurance companies, and analyzed them using two dozen measures of medical outcomes. Adjusting the results for how sick the patients were and other factors, like age and income, the researchers discovered widespread differences among hospitals. Even a hospital that had excellent outcomes for heart care might have poor outcomes in treating diabetes.

The study did not disclose which hospitals had which results. Under the terms of the agreement to receive the data, the researchers agreed to keep the identities of the hospitals confidential.”

On aimerait la même étude en France, pour dépasser la platitude des chiffres d’activité, qui font croire qu’elles sont équivalentes d’un établissement à l’autre et d’un médecin à l’autre, ou les classements des hebdomadaires, qui ne prennent pas en compte ce qui compte le plus, le résultat des soins.

Y comme Yves

C’est le pseudonyme choisi par un directeur d’hôpital démissionnaire. Son témoignage a été recueilli sur le blog de Clara de Bort (voir plus haut à la lettre D). Ce sont des confidences édifiantes et terribles. Mais, sont-elles vraiment étonnantes ? Extraits : “Ce sont deux raisons qui m’ont fait quitté la fonction. La première c’est la lassitude, lassitude de toujours devoir composer avec une administration de tutelle omniprésente (ARS), et pas toujours au fait des réalités du terrain. Cette administration a sa propre logique et ses propres objectifs. Elle répercute, parfois sans filtre et sans ménagement, les consignes qu’elle reçoit au niveau national. A l’époque de la grippe H1N1, l’ARS nous a envoyé jusqu’à 4 circulaires ou notes par jour avec des consignes et des contre-ordres. La déconnexion avec le terrain est telle que les consignes sont difficilement applicables et comme le directeur est évalué par cette même ARS, les échanges sont délicats et l’autorité de tutelle finit toujours par avoir raison et ce même au détriment de l’intérêt du patient. Depuis plusieurs années, la logique s’est tendue sur le plan uniquement financier et le retour  à l’équilibre a été le seul leitmotiv de certaines agences. En exerçant une pression sur le directeur d’établissement, forcément cette pression se répercute sur les équipes et en tout premier lieu sur l’équipe de direction qui finit par en perdre ses valeurs si elle veut respecter les objectifs fixés.

Le chef d’établissement pour toutes ses raisons a fini, contraint et forcé, par quitter l’établissement, sa mission étant devenue impossible à accomplir et sans appui de l’ARS qui mobilisait ses crédits de fin d’année à destination des « bons soldats obéissants », le cercle vicieux du déficit était enclenché. Les collègues de l’équipe ont fait de même. La solidarité avait disparu et j’ai pu voir que le chef d’établissement n’est pas vraiment libre de développer son projet sur le terrain. La situation n’allait pas s’arranger avec les déficits qui s’accumulaient.

La deuxième raison est beaucoup plus personnelle et individuelle. Après une période d’intérim brève, un nouveau directeur, davantage « ARS-compatible », a été nommé. Jeune, issu d’une formation (trop ?) stéréotypée de DH, sans expérience du terrain puisqu’il avait toujours exercé des fonctions « à distance » très expérimentales et dans un milieu très protégé au sein de grands CHU, il n’avait pour seule ambition que d’ « être le chef ».

S’agissant de sa première nomination sur une chefferie, ses hésitations ont été nombreuses et il lui a fallu de longs mois pour mesurer l’ampleur de sa tâche. Il était complètement obnubilé par les résultats qu’on lui avait fixé du côté de l’ARS. Il a mis très longtemps à prendre la mesure de sa tâche et les difficultés qu’il avait à gérer. Il s’est focalisé sur de nombreux détails pour asseoir sa position de chef (changement du logo, achat d’un bureau plus grand, déménagement de son bureau, positionner des armoires pour se construire une salle d’attente dédiée, connexion de son Iphone sur le réseau de l’établissement dans des conditions de sécurité aléatoire, …)

Dans un établissement de santé, comme dans de nombreuses entreprises, les finances ont la particularité d’être un élément objectif et factuel dès lors que l’on respecte les règles. Les résultats n’étant pas bons, ce chef s’est alors acharné sur le thermomètre au lieu de s’attaquer à la fièvre. Le thermomètre c’était moi et mon travail. 1 + 1 devait faire 3 quand on parlait recettes et 1 + 1 devait faire 1,5 quand on parlait dépenses. C’était devenu compliqué. Aucune écoute, des colères aléatoires. Un vrai acharnement.

Ce véritable climat de maltraitance institutionnel, il l’a répercuté ensuite sur l’ensemble des agents tour à tour. Pourtant il  était couvert de manière silencieusement coupable par les organisations syndicales (qui ne sont pas là pour défendre les cadres), par les syndicats de directeurs (qui ne sont pas là pour gêner un de leurs collègues) par le médecin du travail (qui n’est pas là pour faire de la prévention), par les collègues (qui ne sont pas là pour se priver d’un punching-ball, à savoir moi, qui permet de détourner l’attention de leur propre insuffisance) …

Pour cette raison-là, j’ai choisi de partir en me disant que jamais je ne reviendrais dans ce milieu qui se dit « hospitalier » mais qui m’a révélé une phase inhumaine à laquelle je ne m’attendais pas.

On lira avec intérêt deux tribunes de praticiens hospitaliers dénonçant les mêmes maux, l’une, dans Le Mondede Jérôme Bultel, gériatre à l’hôpital de Vernon, l’autre, dans La Croix, d’Anne-Laure Boch, neurochirurgienne à la Salpêtrière, qui pose la bonne question : “Soigner plus ou soigner mieux ?”

Z comme Zerodium

C’est le nom d’une société de la Silicon Valley qui avait offert en septembre 2015 une prime d’un million de dollars à celui qui parviendrait à découvrir un logiciel espion capable de s’attaquer à distance à n’importe quel iPhone dans le monde. En deux mois le tour était joué et Bill Marczak, un génie de l’informatique, était récompensé, comme le raconte Vanity Fair, avec beaucoup de révélations fracassantes sur la cyber-guerre.

Amitiés, bon courage et surtout bonne année.

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