Chers collègues,
La direction générale de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris s’est signalée ces derniers jours par des efforts de communication à propos de l’Hôtel-Dieu de Paris (voir par exemple ici, ici ou là). Alors qu’un groupe ad hoc de la commission médicale d’établissement (CME) est chargé de réfléchir à l’avenir de l’Hôtel-Dieu à partir de dix points déjà identifiés mais laissés dans le flou, la direction générale présente son projet comme quasi bouclé et approuvé. Cette précipitation et cette manipulation, qui laissent sur la touche les représentants légitimes de la communauté médicale, ne sont pas acceptables.
Le message de la direction générale pourrait tenir en trois mots : tout va bien. Selon l’agence Hospimedia, la direction générale “garantit à l’Hôtel-Dieu un avenir apaisé au sein de l’AP-HP”. On peut avoir quelques interrogations sur l’apaisement annoncé, et plus généralement sur le climat qui règne dans le centre hospitalier et universitaire francilien.
Ainsi, un texte au vitriol paru hier dans L’Humanité et titré “AP-HP. Y-a-t-il un directeur général ou seulement un expert en communications” accuse la direction générale de faire des effets de manche, de céder aux “mandarins”, de ne pas respecter les procédures du dialogue social, d’entraver le retour des ambulances et des pompiers aux urgences de l’Hôtel-Dieu. Les syndicats de directeurs reprochent de leur côté à cette même direction générale de piétiner les procédures de nominations des directeurs d’hôpitaux et de négliger le rôle de ces derniers dans la mise en œuvre du dialogue social. Enfin, le président de la commission médicale d’établissement (CME) a diffusé hier un texte dans lequel il critique l’attitude de la direction générale sur le dossier de l’Hôtel-Dieu, en particulier concernant l’évolution des urgences de cet hôpital : (on note au passage que le Pr Capron corrige la copie de l’élève Carli !) : ” Dans ses prochains travaux, le groupe ad hoc de la CME portera une attention particulière aux propositions concernant les urgences de l’Hôtel-Dieu. Elles ont fait l’objet d’une synthèse intitulée Place du SAU de l’Hôtel-Dieu dans le dispositif des urgences à Paris : voir la version de ce document que le président de la CME a annotée le 24 octobre. L’idée générale est d’y augmenter le nombre des passages quotidiens en établissant des « filières » telles que les touristes de passage à Paris ou les accidentés du travail.
On se rappelle que le 13 novembre 2012, la CME a voté une motion défendant la promotion de la qualité et sécurité des soins ; ce qui a abouti, en novembre 2013, à l’orientation des ambulances de la Brigade des sapeurs-pompiers (BSPP) vers d’autres hôpitaux. La CME est opposée à l’abandon de cette précaution, dans la mesure où il n’existe pas aujourd’hui de régulation médicalisée garantissant un tri sécurisé des malades et blessés que la BSPP amène dans les hôpitaux. Lors de la réunion du bureau, le Pr CARLI nous a rassurés en déclarant que le retour des pompiers aux urgences de l’Hôtel-Dieu « n’était pas envisagé à l’heure actuelle ».
Le SAU « bi-site » Cochin—Hôtel-Dieu est aujourd’hui en état instable, avec de sérieux désaccords au sein des équipes soignantes. Ces différends doivent être résolus sans tarder. Avant cela, il est impossible d’envisager quelque changement d’activité que ce soit au sein des urgences de l’Hôtel-Dieu.
Dans une lettre au Pr CARLI, datée du 4 novembre, le directeur général donne son accord pour que ses propositions concernant l’Hôtel-Dieu « soient mises en œuvre, dès lors qu’elles ne suscitent pas d’opposition de la collégiale des urgences ni de la gouvernance du groupe hospitalier concerné. » Étant donné les précautions que CME a jugé bon de respecter jusqu’ici, Le président de la CME estime cette décision prématurée.”
L’avenir de l’Hôtel-Dieu reste aujourd’hui presque aussi incertain qu’il y a environ vingt ans, lorsque l’hypothèse de sa fermeture a été avancée. On passera sur les différentes péripéties qui ont émaillé cette période, souvent incompréhensibles. Cette longue situation d’incertitude perturbe les équipes soignantes, met à mal leur activité et a des répercussions très lourdes sur leurs conditions de travail.
Lorsque le sujet de l’Hôtel-Dieu a été discuté devant la CME en juin 2012, il avait été demandé que tous les acteurs impliqués soient réunis autour d’une table pour une concertation, un examen contradictoire du dossier et une prise de décisions claires et partagées (voir ici, p. 16-22.). Aucune réponse. Par la suite, chaque fois que ce sujet a été abordé, les représentants médicaux ont exprimé leurs critiques et de leurs doutes (voir ici, en février 2013, p. 8-13, et là, en juillet 2013, p. 14-22).
L’administration n’a guère tenu compte de ces remarques. Au lieu de cela, l’ancienne et l’actuelle direction générale, avec un évident effet de répétition, ont piloté seules des groupes de réflexion, composés à leur main, et suscité d’innombrables réunions et rapports. La présentation récente d’un énième projet par la direction générale relève du compromis politico-syndical et du patchwork d’activités hétérogènes destinées à combler les mètres carrés : activités médicales, universitaires, associatives, immobilières (HLM, chambres pour les étudiants, logements pour les enseignants et chercheurs étrangers), sans chiffrage ni assurance que les locaux se prêteront aux réaménagements envisagés, qui seront de toute façon coûteux.
Pour sa part, la CME a fixé un cap très clair. Premièrement, le projet Hôtel-Dieu doit avoir une cohérence médicale hospitalo-universitaire, en garantissant la sécurité et la qualité des soins. Deuxièmement, il ne doit pas déséquilibrer le budget de l’AP-HP : il faut que son équilibre financier soit assuré. Cette attitude responsable n’est hélas pas partagée par les autres acteurs. Rappelons que le déficit de l’Hôtel-Dieu a été chiffré à 12 millions d’euros par an, résultat qui sanctionne la mauvaise gestion de ce dossier par l’administration de l’AP-HP depuis des années. Jusqu’à quand cette gabegie va-t-elle se poursuivre ?
Amitiés et bon courage.