Chers collègues,
Voici quelques éléments concernant l’actualité nationale de ces trois dernières semaines dans le domaine de la santé.
Pensée magique ou duplicité au ministère de la Santé ?
Le plan d’économie de 3 milliards d’euros sur trois ans imposé aux hôpitaux ne devrait pas s’accompagner de réduction d’effectifs, selon le ministère de la Santé. En réalité, ce plan prévoit des économies de 860 millions d’euros sur la masse salariale.
Le journal Libération a eu accès à un document confidentiel le “Kit de déploiement régional du plan Ondam à destination des ARS” qui explique aux “managers” régionaux, qui ont sous leurs ordres les “managers” locaux dans chaque hôpital, comment “décliner” ce plan d’économies en 8 blocs et 23 actions.
Le terme de suppression d’emplois est tabou, mais qui peut croire que l’on puisse réduire la masse salariale de ce montant sans conséquences pour l’emploi, d’autant plus qu’il demandé aux établissements de résorber l’emploi précaire en titularisant les personnes engagées en contrat à durée déterminée. Ces injonctions paradoxales mettent sous tension les directeurs d’hôpitaux, qui protestent contre ces discours contradictoires. La direction générale de l’offre de soins leur a répondu par la voix de son responsable lors du congrès de l’Association des directeurs d’hôpital le 18 mars dernier : “Ma conviction est que cet effort est à la portée des établissements de santé et de ses managers”, façon habile de leur dire de se débrouiller pour faire le sale travail. Dans un communiqué, le plus important syndicat de directeurs, le Syncass-CFDT, écrit : “Afficher simultanément qu’il faut réduire l’emploi précaire et contenir la masse salariale sans toucher à l’emploi relève de la pensée magique selon la formule fameuse demandant plus à l’impôt et moins au contribuable.”
Dans un communiqué très vindicatif intitulé “L”équation financière infernale des directeurs d’hôpital”, le Syndicat des managers publics de santé développe la même idée : “Le SMPS dénonce cependant la démultiplication des injonctions paradoxales actuelles, autour de la contradiction évidente entre les conséquences financières des demandes du Ministère de la santé et les économies attendues à l’hôpital public.”
Loi de modernisation de notre système de santé
Le projet de loi a été modifié en commission, y compris son titre. Voir ici le texte qui sera examiné à partir du 31 mars en séance plénière par l’Assemblée nationale.
A ce stade, l’article 26 rétablit le service public hospitalier qu’avait supprimé la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires de 2009.
L’article 49 indique que les pôles seront facultatifs dans les petits établissements. Ailleurs, ils restent obligatoires.
Ce même article fait un pas en faveur des “services” au sein des hôpitaux, mais la procédure de nomination des responsables de service et leurs fonctions restent à définir.
La procédure de nomination des chefs de pôle est légèrement modifiée : “Le directeur nomme les chefs de pôle. Pour les pôles d’activité clinique ou médico-technique, il nomme les chefs de pôle sur proposition du président de la commission médicale d’établissement, et, dans les centres hospitalo-universitaires, sur proposition conjointe du président de la commission médicale d’établissement et du directeur de l’unité de formation et de recherche médicale ou, en cas de pluralité d’unités, du président du comité de coordination de l’enseignement médical.”
Enfin, la procédure de nomination des membres du directoire ne change pas à ceci près que l’ancien texte : “[le directoire comporte] des membres nommés et, le cas échéant, révoqués par le directeur, après information du conseil de surveillance ; pour ceux de ces membres qui appartiennent aux professions médicales, le directeur les nomme sur présentation d’une liste de propositions établie par le président de la commission médicale d’établissement et, dans les centres hospitaliers universitaires, par le président de la commission médicale d’établissement conjointement avec le directeur de l’unité de formation et de recherche médicale ou du président du comité de coordination de l’enseignement médical ; en cas de désaccord, constaté dans des conditions fixées par voie réglementaire, le directeur peut demander une nouvelle liste ; en cas de nouveau désaccord, il nomme les membres de son choix.” est modifé ainsi : les mots « de son choix » sont remplacés par les mots : « après avis du président de la commission médicale d’établissement.” Ce n’est pas une concession bouleversante, et il serait excessif de dire comme le font les rapporteurs que la gouvernance des hôpitaux a été “remédicalisée”.
Ce projet de loi contient un grand nombre d’autres modifications, en particulier sur la coopération entre établissements hospitaliers (article 27), qu’il serait trop long de commenter.
Didier Tabuteau et Jean de Kervasdoué se sont exprimés chacun de leur côté sur ce projet de loi pour en souligner les limites et les faiblesses, notamment en ce qui concerne le tiers payant : “Sur le fond, on n’a pas encore trouvé le bon moyen pour préparer au long cours les grandes réformes de la santé à l’horizon de 10 ou 20 ans avec l’ensemble des partenaires autour de la table”, déclare ainsi le premier.
La rue s’est aussi exprimée le dimanche 15 mars : une mobilisation des médecins et autres professions de santé en majorité libéraux, en plus des internes et chefs de clinique, plutôt réussie selon les observateurs (voir par exemple ici, ici ou là).
Pour comprendre les grandes tendances de la politique de santé, on lira avec intérêt le texte de Pierre-Louis Bras et Didier Tabuteau sur l’importance prospective du rapport “Santé 2010” paru en 1993 sous la direction de Raymond Soubie. Leur article, écrit peu après l’adoption de la loi HPST, qu’avait inspirée ce dernier, alors conseiller de l’Elysée, montre que le projet de loi actuel est plus un projet de continuité qu’un projet de rupture, et trace le même sillon que la loi précédente.
Pourtant, les bureaucrates se posent des questions.
Grande conférence de santé : pourquoi finir là où il aurait fallu commencer ?
A la suite de la mobilisation du 15 mars et de la contestation de la loi de santé par de multiples intervenants du secteur, le Premier ministre a annoncé le 17 mars la tenue à une date non encore fixée d’une grande conférence de santé. A quoi pourra bien servir cette conférence puisque la loi de santé aura été votée ?
Avis de tempête sur le CHU de Marseille
Le 18 mars, la CME du CHU de Marseille a voté contre le plan d’économie de 55 millions d’euros sur trois ans présenté par l’administration, et son président, le Pr Guy Moulin, s’inquiète pour l’avenir des hôpitaux universitaires de la capitale phocéenne. Les syndicats de personnels ont déposé un préavis de grève à compter du premier avril prochain, craignant une réduction massive des effectifs.
Pour finir, les grands styles de management en quelques schémas.
Amitiés et bon courage.