La fatigue d’être hors de soi

Chers collègues,

Les mois de septembre et d’octobre ont été riches en événements, polémiques et rebondissements.

Le mois de septembre a été marqué par la parution du livre du Pr Even, ancien doyen de la faculté Necker et ancien directeur, devenu conseiller, de l’Institut Necker, sur les liens d’intérêts entre industrie pharmaceutique et universitaires (voir par exemple ici le compte rendu du Figaro). Les critiques violentes de notre collègue Ph. Even lui sont revenues en plein visage (voir ici pour ses liens d’intérêts non déclarés et pour l’affaire de la ciclosporine). Et pourtant, le sujet des conflits et des liens d’intérêts mérite une réflexion approfondie. “Tout homme a un prix pour lequel il se vend”, écrivait Kant. Il est contraire aux exigences de la liberté académique de voir certains aliéner leur plume et leur salive à des intérêts commerciaux, quitter la blouse blanche pour les pancartes plus ou moins visibles de l’homme sandwich. Inversement, la recherche scientifique et les progrès de la médecine – il y en a eu beaucoup – ne peuvent s’accomplir sans une coopération entre les milieux académiques et l’industrie.

Pour le reste, feuilletons l’éphéméride. Continuer la lecture

Journal de bord, juillet-août 2015

Chers collègues,

Voici le journal de bord tenu ces deux mois d’été.

1er juillet : la Los Angeles Review of Books  retrace l’histoire de ce qui fut initialement un médicament, le LSD.

1er juillet : un chercheur ayant truqué ses résultats est condamné à près de cinq ans de prison et à rembourser 7 M$. Cela se passe aux Etats-Unis (voir ici).

2 juillet : Ted J. Kaptchuk et Franklin G. Miller nous rappellent dans le NEJM que l’effet placebo n’est pas l’effet zéro. Dans le même numéro, Eric S. Lander définit les nouveaux enjeux médicaux maintenant que l’on peut non plus seulement lire le génome, mais le réécrire avec une grande facilité.

4 juillet : the Guardian analyse le dernier livre de Richard H. Thaler, un des créateurs de l’économie comportementale et auteur du célèbre Nudge. Ili a fait faire un bond en avant conceptuel aux économistes en considérant, contrairement aux théories dites classiques, que l’Homme n’était pas un agent rationnel. Continuer la lecture

A leur tour, les médecins hospitaliers des Hospices civils de Lyon disent non aux restrictions budgétaires

Chers collègues,

La Commission médicale d’établissement de Marseille avait voté contre le plan de retour à l’équilibre présenté par la direction du CHU phocéen en mars dernier. Début juin, la CME de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris avait voté contre le projet global de financement pluriannuel proposé par l’administration. A son tour, le 29 juin,  les membres de la CME des Hospices civils de Lyon ont rejeté massivement l’état prévisionnel des recettes et des dépenses 2015, qui comprenait un niveau d’économies insupportable, avant de mettre un terme à la séance de la CME sans examiner les autres points à l’ordre du jour.

Les trois plus grands CHU de France font la même analyse : les restrictions budgétaires imposées à leurs établissements empêchent ceux-ci d’exercer leurs missions. Plusieurs autres CME ont envoyé un message identique.

Il faut être aveugle pour ne pas voir que les restrictions budgétaires appliquées aux hôpitaux, qui ont été aggravées récemment par la demande d’un effort supplémentaire de 3 milliards d’euros d’ici 2019, rendent problématique leur retour à l’équilibre budgétaire, limitent leur capacité à répondre aux besoins de la population et réduisent leurs investissements, condition pourtant de leur adaptation à la médecine de demain.

Préoccupés avant tout de comptabilité à court terme, les pouvoirs publics portent une lourde responsabilité dans l’inexorable dégradation du tissu hospitalier français, dont la qualité était pourtant reconnue au niveau international.

Les médecins hospitaliers ne cessent d’alerter l’opinion publique sur les dangers que la politique de santé des gouvernements successifs fait courir à notre système de soins, et dénoncent l’obstination des décideurs à prôner des solutions qui ont échoué. Nos propres propositions mériteraient au moins d’être discutées (pour en prendre connaissance et les soutenir, c’est ici). Elles ont pour elles une rationalité que l’on cherche en vain dans celles qui sont aujourd’hui en œuvre. Elles nécessitent un courage et une lucidité politiques que l’on cherche non moins en vain chez ceux qui nous gouvernent.

Nos collègues lyonnais ont demandé à être reçus par le cabinet de la ministre de la santé. Ils seront sans doute reçus, et après ?

Amitiés et bon courage.

Quand Gérard Vincent dit pouvoir signer le dernier texte du MDHP

Chers collègues,

Aux Etats-Unis, la formation par compagnonnage des jeunes médecins a subi la même évolution qu’en France (voir ici l’article de la New York Review of Books : règlementation limitant la durée du travail et mettant en péril la continuité des soins, pression financière et surcharge de travail, épuisement professionnel et souffrance au travail, dictature des procédures, manque de temps pour approfondir l’expérience clinique, débauche d’examens complémentaires inutiles et coûteux, dévalorisation des fonctions d’enseignement dans les carrières… Continuer la lecture

Un appel entendu

Chers collègues,

Notre appel pour sortir l’hôpital public de la crise remporte un grand succès, plus de 550 signatures déjà, de toute la France. Signez-le et diffusez-le le plus largement possible. Tout le monde peut signer. Les signatures sont désormais recueillies directement sur le site du Mouvement de défense de l’hôpital public.

Après les différents pactes, missions, comités, conférences et groupes de travail mis en place par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, fausse concertation d’où il n’est pas sorti de réformes très utiles, voici que le Premier ministre lance à son tour une « Grande Conférence de Santé ». Vous trouverez ici la lettre de mission adressée au Pr Lionel Collet, conseiller d’Etat, chargé avec Mme Anne-Marie Brocas, présidente du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM), de mener à bien cette entreprise, et en annexe la composition du groupe de réflexion.

Amitiés et bon courage.

Homo burocraticus

Chers collègues,

Comment ne pas déplorer l’inanité de certaines pratiques bureaucratiques et leur part grandissante dans le travail, que ce soit à l’AP-HP ou ailleurs, mais particulièrement à l’AP-HP (lire ici un article des Echos sur deux livres dénonçant le cancer bureaucratique généralisé de nos sociétés post-modernes) ?

La messagerie des médecins de l’AP-HP est encombrée par les courriels de l’administration. Ils sont informés que l’on va purger les robinets d’eau du 3e étage du bâtiment B tel jour à telle heure, ou que la direction a le plaisir de leur annoncer l’arrivée de monsieur Tartempion à la sous-direction S, en remplacement de monsieur Trucmuche, appelé à exercer ses talents dans un autre bureau, ou encore le recrutement de Monsieur Bidule comme chargé de mission pour renforcer la direction D. Continuer la lecture

La CME de l’APHP dit non aux restrictions budgétaires

Chers collègues,

Ce matin, la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris a rejeté à une large majorité le plan global de financement pluriannuel (PGFP) présenté par la direction générale (34 voix contre, 20 pour, 1 abstention, 5 refus de participation au vote). Il ne s’agit pas de remettre en cause la construction habile de ce PGFP, qui était une correction de celui de l’an dernier, et qui sera sûrement encore corrigé l’an prochain en raison des restrictions budgétaires imposées aux hôpitaux un peu plus lourdement chaque année. Continuer la lecture

Travailler à l’hôpital

Chers collègues,

L’actualité nous conduit à présenter quelques documents sur le travail en général, et le travail à l’hôpital en particulier.

Sur France Inter, l’émission Affaires sensibles a retracé l’histoire des 35 heures le 25 mai dernier. Dans son rapport de décembre 2014 sur le même sujet, l’Assemblée nationale confirme l’imprévoyance avec laquelle ce passage a été appliqué dans les hôpitaux (création insuffisante de postes pour compenser la réduction du temps de travail, dans des organisations où il faut assurer la continuité des soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, postes qui de toute façon n’ont pu être pourvus faute d’un nombre suffisant de personnes formées, ce qui était parfaitement prévisible).  Continuer la lecture

Des semaines bien remplies, malgré les ponts

Chers collègues,

Au fil des jours, quelques repères :

– si les génériqueurs s’entendent ou fusionnent, les prix vont monter, selon The Economist;

– les déclarations de madame Brigitte Dormont sur la mort de la médecine libérale ont fait du bruit, comme ici dans le Huffington Post ;

– le site Contrepoint pose la question suivante : « Et si la réduction du temps de travail des internes en médecine révélait tout simplement que leur présence est indispensable au fonctionnement des hôpitaux ? » ;

– un entretien remarquable de Mediapart avec Christophe Dejours sur la souffrance au travail et les changements intervenus ces dernières décennies, ou comment le management individualisé transforme notre rapport au travail et le détériore ;

– dans une note accessible via le site de la FHF, l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) analyse les bilans sociaux 2013 des établissements de santé et note par rapport à 2013 une légère augmentation de l’absentéisme et du taux de rotation ; Continuer la lecture