De quoi sera fait demain ?

Chers collègues,

Vous trouverez ici l’article du Parisien de ce jour sur la carte de France de la maltraitance et du harcèlement dans les hôpitaux publics français, partie émergée de l’iceberg. Au passage, précisons que, contrairement à ce que prétendent la directrice et le président de la CME de l’hôpital d’Amiens, plusieurs autres cas signalés dans ce CHU ont fait ou font l’objet de procédures, dont certaines ont été gagnées par les victimes, ce que ces deux hauts responsables ne peuvent pas ignorer.

Les questions de santé font enfin irruption dans la campagne électorale. Notre collègue André Grimaldi passe au banc d’essai le programme des deux finalistes de la primaire de la droite et du centre : il n’y a pas photo (voir ici). Continuer la lecture

Abécédaire d’été et d’automne

Chers collègues,

Quelques pistes de lecture.

A comme American Society for Microbiology. Cette prestigieuse institution a décidé d’abandonner le facteur d’impact pour ses revues online (voir commentaires d’Hervé Maisonneuve ici).

B comme bureaucratie. Le choc de simplification administrative se révèle kafkaïen, car les bureaucrates ne lâchent jamais leur pouvoir mais cherchent plutôt à l’accroître, à l’hôpital comme aillleurs (voir ici).

C comme conflits d’intérêts. Un article du BMJ confirme le lien entre argent versé et prescriptions. Extrait : “Payments by the manufacturers of pharmaceuticals to physicians were associated with greater regional prescribing of marketed drugs among Medicare Part D beneficiaries. Payments to specialists and payments for speaker and consulting fees were predominantly associated with greater regional prescribing of marketed drugs than payments to non-specialists or payments for food and beverages, gifts, or educational materials.”

D comme dignité des soignants, thème d’une belle tribune d’Emmanuel Hirsch, écrite à la suite de cinq suicides de personnels soignants médiatisés cet été, pour combien d’autres qui ne l’ont pas été. Sur le même sujet, on peut lire une bonne enquête de Libération. Continuer la lecture

La lettre du chef de l’Igas sur l’affaire Jean-Louis Mégnien

Chers collègues,

La lettre du chef de L’Inspection générale des affaires sociales accessible ici explique les vraies raisons de la non-publication du rapport sur le suicide de J.-L. Mégnien, comme le communiqué de l’association Jean-Louis Mégnien du 17 septembre 2016 l’affirmait (voir communiqué ci-dessous). Pierre Boissier cite l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration pour se justifier.

Le chef de l’Igas écrit à la ministre des affaires sociales et de la santé que ce rapport met en cause les « instances hospitalo-universitaires qui ont gérés le conflit » et détecte des « lacunes ». Il précise que « les lacunes relevées par la mission la conduisent à porter des critiques sur le comportement professionnel et personnel d’un grand nombre de personnes et à émettre à leurs propos des jugements de valeur dont la révélation publique serait de nature à leur porter préjudice » (c’est moi qui souligne). Il précise que le magistrat instructeur (ils sont en réalité deux) est destinataire du document. Pour savoir qui sont les personnes en cause voir ici le document fourni par l’association Jean-Louis Mégnien en avril dernier, document purement factuel qui n’a été contesté par personne. Continuer la lecture

La Qualité, mon œil !

Chers collègues,

Je dédie ce post aux membres du collège de la Haute Autorité de santé

 “Vous pensez que la Démarche Qualité de votre entreprise ou de votre administration est une vaste fumisterie ? Vous êtes artisan et vous doutez de l’intérêt réel des innombrables normes, directives et autres règles de sécurité qui vous sont imposées au nom de la “Qualité” ? Vous avez peut-être raison.” (p. 8) C’est ainsi que le Dr Dominique Dupagne, créateur notamment du site médical atoute.org, présente le thème de son récent et excellent livre, Qualité mon Q ! Il avait déjà abordé ce sujet dans son ouvrage précédent La Revanche du rameur. Il a décidé de l’approfondir.

Notre confrère précise : “L’un des premiers tours de passe-passe des apôtres de la Démarche Qualité a été de faire disparaître les adjectifs qui l’accompagnaient. Il n’y a plus de bonne ou de mauvaise qualité. La Qualité avec un grand Q est TOUJOURS bonne.” (p. 10) Fondée sur l’appréciation de la bonne qualité du résultat final, la qualité s’est petit à petit appliquée aux processus de fabrication et à la sécurité au point d’en perdre de vue l’objectif initial : “La Qualité désignait initialement l’ensemble des caractéristiques d’un produit fini. Elle concerne désormais les modes d’organisation censés rendre un produit ou un service conformes à une norme de fabrication ou à un standard. Ce changement de sens est loin d’être anodin.” (p. 12) Continuer la lecture

Abécédaire de printemps

Chers collègues,

Quelques pages susceptibles de vous intéresser.

A

Anorexie

Le nouveau maire de Londres bannit des transports publics londoniens les publicités incitant à la maigreur et cherche à sensibiliser les annonceurs pour généraliser ce bannissement (voir ici).

Avantages

Voici ce que nous apprend une dépêche de l’agence médicale de presse datée du 16 juin 2016 :

« Les projets de texte (décrets et arrêtés) permettant de revaloriser les emplois fonctionnels de directeur d’hôpital (DH) ont été présentés mercredi au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière (CSFPH), a annoncé le Syncass-CFDT, dans un communiqué le même jour. Cette réforme, déjà menée à l’Etat, a nécessité un accord interministériel qui a tardé”, rappelle le syndicat qui précise que des mesures ont reçu un arbitrage “positif”. Ainsi, comme dans la fonction publique d’Etat, les carrières se voient “revalorisées”, avec l’ajout d’un échelon supplémentaire. L’emploi de secrétaire général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), qui se voit renommer en directeur général adjoint, “ira jusqu’en hors échelle E”. [On appréciera le caractère révolutionnaire de ce changement de terminologie, demandé sans doute pour que ce poste prestigieux revienne à un « directeur » plutôt qu’à un énarque, comme c’est le cas aujourd’hui !] Les autres emplois de groupe 1 iront en “hors échelle D”. Les emplois de groupe 2 iront en “hors échelle C” et tous les emplois de groupe 3 iront “jusqu’en hors échelle B bis”. »

L’article ne dit pas combien cette « revalorisation » va coûter aux hôpitaux. Continuer la lecture

Le cas exemplaire du Dr P.

Chers collègues,

Le Dr P. est chirurgien dans une région française du nord de la Loire. En proie à l’hostilité de certains confrères et de la hiérarchie administrative, il a dû faire face pendant plusieurs années à la calomnie et aux tentatives d’éviction. Résistant avec un grand courage et une solidité remarquable à tous ces agissements, il a intenté et gagné onze procès entre 2009 et 2014, neuf dans l’ordre administratif, deux dans l’ordre pénal, faisant condamner pour harcèlement moral le directeur du centre hospitalier où il travaille. C’est un exemple instructif des dérives et de l’arbitraire que connaît trop souvent notre système hospitalier, dont les règles de fonctionnement sont mal adaptées à ce type de situation. Les onze jugements rendus au nom du Peuple français nous montrent comment s’est déroulée cette affaire.

Cours administratives

  1. Jugement du 30 décembre 2009 (tribunal administratif)

Le Dr P. contestait la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal de lui avoir retiré son poste de chirurgien sur le site d’E. pour l’affecter sur le site de V. et demandait sa réintégration. Continuer la lecture

Harcèlement

Chers collègues,

La souffrance au travail fait l’objet de nombreuses recherches et d’une attention croissante à cause des drames qu’elle provoque et de la dégradation du travail qu’elle entraîne à la fois pour ceux qui l’effectuent et pour ceux qui devraient en être les bénéficiaires, à l’hôpital les soignants et les malades. Cette maltraitance se développe sur une grande échelle mais les dirigeants adoptent la politique de l’autruche face aux difficultés psychiques de leurs salariés, ou font illusion en mettant en œuvre des plans de prévention cosmétiques sans prise sur le réel.

C’est un phénomène qui prend de l’ampleur pour des raisons structurelles (Dominique Méda a présenté de façon synthétique les problématiques actuelles du travail ici). Les nouvelles formes d’organisation, le management par objectifs ou l’organisation par projet, les injonctions paradoxales (réduction des effectifs et exigences de plus en plus élevées), l’accent mis sur la rentabilité immédiate, la quantophrénie galopante sous la forme de reporting inutile et trompeur, la pensée PowerPoint, la gestion bureaucratique des “planneurs”  en sont des causes bien connues. Continuer la lecture

Examen de passage

Chers collègues,

2015 s’éloigne, 2016 commence. Examen de passage en surfant sur le net.

1er décembre 2015 : Science Europe publie un rapport sur l’intégrité scientifique (voir ici l’analyse de Hervé Maisonneuve).

2 décembre : un excellent article de Charlotte J. Haug dans le NEJM sur la prise en charge des victimes des attentats du 13 novembre à Paris (voir ici).

4 décembre : les vapoteurs interpellent Marisol Touraine (voir ici).

5 décembre : The Economist rend compte d’un sommet international consacré aux implications éthiques des progrès considérables accomplis dans les possibilités de modification du génome grâce au système CRISPR-Cas9 (voir ici).

7 décembre : les faiblesses de la revue par les pairs avant publication décrites par le site Vox.

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Le visage de la France

Chers collègues,

Le 13 novembre 2015, Paris a été attaqué par trois groupes de psychopathes fanatisés se réclamant de l’état islamique. Semant la terreur, ils ont abattu avec une rage sanguinaire cent trente personnes dans différents lieux de la capitale, surtout au Bataclan, théâtre de scènes indicibles.

Les équipes soignantes se sont immédiatement mobilisées et organisées pour accueillir et traiter les centaines de personnes touchées par ces attentats. Tous les blessés ont été pris en charge avec une efficacité et un professionnalisme unanimement salués. Cela a été possible en raison de la remarquable coordination et de l’excellente préparation des services de secours et d’urgence civils et militaires, mais aussi grâce à la réaction spontanée des personnels hospitaliers venus en nombre prêter main forte à leurs collègues déjà en poste. Dans ces circonstances exceptionnelles, l’hôpital public s’est montré une fois de plus digne de la confiance que lui accordent nos concitoyens.

Le 19 décembre 1964, à l’occasion du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, André Malraux terminait son mémorable discours en faisant allusion au Chant des partisans qui allait s’élever dans un murmure envoûtant : “Ecoute aujourd’hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le chant du malheur. C’est la marche funèbre des cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec Les Misérables, de celle de Jaurès veillées par la justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France.” Le 13 novembre, de nouveaux martyrs de la barbarie ont rejoint le long cortège d’ombres défigurées dont parlait André Malraux. Lors de l’hommage national qui leur a été rendu, un nouveau chant du malheur s’est élevé lorsque leur nom et leur âge ont été longuement psalmodiés. En conclusion de son discours, le président de la République a repris les mots de l’écrivain, disant que ces hommes et ces femmes tombés tragiquement étaient eux aussi “le visage de la France”.

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